Lassé de ce Rite, qu’il trouve trop “protestant”, il démissionne de la Grande Loge de France pour entrer dans une petite obédience : la Grande Loge Symbolique Helvétique, où il est également admis en son Suprême Conseil du 33e Degré. Il pratique dorénavant le rite de Memphis-Misraïm dans la Loge Amon-Râ que nous connaissons bien. Il a toujours aimé l’Égypte, il est passionné par la culture pharaonique et depuis des dizaines d’années, c’est un spécialiste de l’œuvre de René Schwaller de Lubicz. Il possède tous ses ouvrages, il connait toute son aventure et il l’admire par dessus tout sa pensée symbolique et le chemin initiatique qu’il propose.
Cette quête d’un absolu égyptien va le conduire jusqu’à nous. Pour les raisons qui lui appartiennent, il quitte la Grande Loge Symbolique Helvétique et visite beaucoup les Loges en quête d’un Atelier qui pourrait lui convenir. Un jour, en 2016, une Sœur lui parle de notre modeste Loge Medou Neter à l’Hor∴ de Montpellier et d’un rite égyptien très particulier et rare : le Rite Mer Nefer, créé par Schwaller de Lubicz en 1919. Intrigué, il vient nous visiter. Oserai-je dire que c’est le coup de foudre ? Il est vrai que Pierre Bernard n’était pas un démonstratif, en tout cas, il fut présent à toutes les Tenues d’obligation de la Loge et, après un an de visite, comme le veut la tradition : il déposa sa demande d’affiliation.
Ce fut pour nous un grand étonnement, mais il est clair que nous ressentions l’un pour l’autre une admiration réciproque. Ne dit-on pas que pour aimer, il faut admirer ?Alors, un amour fraternel existait bien entre nous. Nous passions des soirées à évoquer avec passion notre chère Égypte, à chercher comment rendre à la Maçonnerie sa forme initiatique qui lui faisait de plus en plus défaut. Pierre Bernard avait compris l’extraordinaire message de Schwaller de Lubicz et surtout l’importance de la tradition initiatique qu’il nous avait léguée et dont nous étions les dépositaires. Il disait :
Notre Ordre est une bouteille jetée à la mer de la Maçonnerie universelle. Elle est bien petite cette bouteille, mais elle contient le message le plus merveilleux qu’on puisse donner à quelqu’un qui désire l’éveil.
Nous avons travaillé ensemble, co-écrit des livres, cherchant à communiquer notre amour pour l’Égypte et transmettre la merveilleuse culture qui nous a appris ce qu’est l’Intelligence du cœur. Nous avions toujours du travail sur la planche et Pierre Bernard adorait cela : il cherchait, fouillait, décryptait… en éternel apprenti qu’il était, dans son acception la plus vrai du terme, c’est-à-dire celui qui ne cesse d’apprendre.
Puis, il y a deux ans, notre Conseil de l’Ordre nous a proposé de réveiller le Suprême Conseil de Louqsor, éteint en 1961. C’était une tâche immense pour laquelle Pierre Bernard s’est investi avec passion. Il fallut travailler ardemment sur les rituels des Degrés de Complétude afin de les ramener à la vie. Ce travail fut exaltant, mais après plus de 60 ans de sommeil, le Djed ruiné et tombé dans les sables de Louxor était enfin relevé. Schwaller de Lubicz l’avait prédit…
Pierre Bernard est devenu le troisième Très Illustre Souverain Grand Veilleur, Gardien du Rite Mer Nefer. Jamais il ne parlait de sa haute fonction, discret et pourtant bien attentif et combien actif. Et puis il a été le fondateur de l’Atelier de complétude Saqqarah qui lui tenait tant à cœur et dont il a été le Trois Fois Puissant Maître. Nous n’oublierons pas son regard malicieux quand il nous posait des questions embarrassantes ou espiègles… Et surtout nous n’oublierons pas son Intelligence du cœur.
Nous avons reconnu en lui cette Lumière unique, cette passion pour la connaissance et le désir jamais inassouvi de transmettre. Une étoile s’en est allée, mais comme toutes les étoiles filantes que nous sommes, Pierre Bernard laisse derrière lui une traînée de poussière brillante et lumineuse : une poussière d’étoiles… Que sa mémoire et son nom soient éternels !
Discours prononcé par le T∴R∴G∴A
le 4 septembre 2022.